Vers des diagnostics médicaux complets en psychiatrie, pour sauver des vies ! Plaidoyer pour le droit des patients à avoir des diagnostics multiples, et pour que la neurologie et psychiatrie travaillent enfin main dans la main ! #Troubles du Neuro-Développement (TND)


 


On peut être handicapé(e) neurologiquement sans le savoir

A 57 ans, j’ai enfin ce diagnostic médical libérateur que l’on m’a présenté selon deux grilles d’analyse différentes :  

-          Une Triade (sic) de troubles selon les classifications catégorielles DSM 5 ou CIM 11 : troubles bipolaires de l’humeur- Trouble déficitaire de l’attention (TDA sans hyperactivité) -Trouble du spectre autistique (TSA sans déficience intellectuelle). En queue de comète, peuvent y être rattachés tous les autres troubles qui m’affectent : TCA, troubles de comportements répétitifs centrés sur le corps (CRCC), phobie de type sang-injection-accident, et bien sûr tout ce qui est lié aux troubles anxieux . La liste n’est pas complète, comme la population normale, notre psychisme est infiniment plus complexe, et il serait inintéressant de tout dérouler ici.

-          Une seule et même maladie, sur le plan neurologique (sic) : « défaut de maturation des synapses » (sic). Biochimiquement, plusieurs mécanismes possibles aboutissent à cette anomalie de développement (canal ionique, etc). La cause de cette anomalie est liée à un ensemble de gènes (MOOC autisme université de Bordeaux).

Pourquoi c’est important et aussi libérateur de le savoir ?

-          Car les patients vivant avec ce handicap, à l'instar d'un handicap physique, comme un seul œil, une seule jambe, moins de doigts... peu importe la comparaison, ont le droit de le savoir.

-          Pourquoi ? Les échecs répétés qu’il subissent du fait de ce handicap caché et inconnu de tous (même d’eux-même), les affectent en profondeur. S’ils n’atteignent pas leurs objectifs sans savoir qu’ils ont ce handicap, leur auto-dévalorisation est effroyable ! et peut les mener à la dépression et au suicide.

-          C’est ce qui m’est arrivé, à force d’échecs inexpliqués compte-tenu des efforts, du travail déployé et des réussites scolaires (bien sûr les objectifs étaient trop élevés eu égard à ce handicap méconnu). Un exemple fort illustre cela : Ceux qui ont passé mon diplôme de 3ème cycle ultra sélectionné (avec tous les majors de fac de droit de France) sont devenus par exemple dirigeants des premiers cabinets d’avocats de France. De mon côté, je me suis enfoncée dans les échecs professionnels, avec douleur, désespoir, et un sentiment de nullité extrême, qui a failli me mener à la mort et de toute façon m'a mené au syndrome de l'imposteur.

La réponse de la psychiatrie

-          La réponse de la psychiatrie est souvent de repérer le diagnostic le plus visible et qu’on peut soigner : le trouble de l’humeur, unipolaire ou bipolaire, pour lesquels on a des traitements médicamenteux. 

-          Ainsi, il peut arriver que tous les symptômes soient vus au travers du prisme de l’humeur.

-          Certes, ce trouble existe (le TSA étant une maladie systémique, parmi ses manifestations il y a fréquemment le trouble de l’humeur), mais en profondeur, ce qui peut déclencher les phases dépressives peut être justement les conséquences des TND. Ainsi, le sentiment d’échec dans les relations sociales, puis dans sa vie tout court, peut déclencher des phases dépressives et des idées suicidaires.  

-           Le sentiment de ne pas avoir de prise sur sa vie, que tous les efforts sont des coups d’épée dans l’eau, impacte l’humeur, mais il faut traiter la cause, la source.

-          Savoir qu’on n’a que trois pattes ou besoin de lunettes (peu imposte la métaphore), change tout :

o   L’estime de soi remonte

o   On va pouvoir ajuster ses efforts pour qu’ils soient plus efficaces

o   On va pouvoir expliquer ce passé catastrophique à certains égards et avoir de la compassion pour nous-mêmes, cette personne qui s’est tant battue à armes inégales.

o   On va ainsi pouvoir revisiter le passé, refaire le récit de sa vie : en changer radicalement la couleur du scénario, ce n’est plus une vie de « tocard », mais peut-être la vie d’un survivant plein de courage, admirable peut-être. Combien de personnes j’entends me dire « Je ne suis qu’une m…. », elles n’ont pas toutes un TND, mais certaines, SI.

Mon propos est de dire que diagnostiquer des TND en plus des troubles psychiatriques identifiés, peut sauver des vies, diminuer la souffrance des personnes concernés et améliorer leur vie, mais aussi de leurs enfants ou de leurs autres poches ! Les enfants de ces personnes vivent parfois un calvaire, avec des parents dépressifs, suicidaires ou maniaques qui eux-même en souffrent, lucides, se sentant coupables pendant et après (facteur entrainant une phase dépressive ou dépression chronique ou la mort par suicide vers 50-60 ans).  Je l’ai constaté dans l’association que j’ai fondée.

Que de souffrances évitables ! Même s’il faut modérer cette phrase, tellement de facteurs entrant en jeu pour accéder à un état de bien-être et de bonne santé mentale.

Aussi, je plaide pour que le corps médical s’unisse neurologie et psychiatrie dans le sens d’une prise en charge complète accessible à tous, pour que les TND soient systématiquement recherchés (même si « il n’y pas de traitement pour le TSA » phrase entendue et même si le traitement du TDAH peut être incompatible avec le trouble bipolaire). Les personnes concernées ont le droit de savoir et de faire leur choix. Diagnostic différentiel ou multiple, chaque cas peut être différent.

Ce texte est la première pierre d’une démarche que j’entame aujourd’hui, avec ma triple casquette d’usagère représentante d’une association d’usagers, mais aussi de professionnel pair-aidante au sein d’un EPSM. Elle a pour base solide, le droit des patients issu des lois Kouchner, mais aussi le serment Hippocrate en corolaire, car le but est bien de :

-          « Donner une information complète au patient sur son état de santé » (extrait de l’article L 1111-2 du CSP, issu de la loi du 4 mars 2002, dite Loi Kouchner)

-          « Préserver ou promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. Respecter toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté… » (Extrait du Serment d’Hippocrate).

Cette démarche n’est pas incongrue, elle est aussi dans l’air du temps, les recommandations des pouvoirs publics (HAS, 22.09.2020) font de l’engament des usagers dans les secteurs social, médico-social et sanitaire une priorité ! Voilà une illustration concrète de l’orientation concrète que pourrait prendre cet engagement : accès aux soins, décloisonner la médecine, généraliser les diagnostics de TND…etc.


Emmanuelle NICOU-DOURIEZ
Avocate conseil d'entreprise pendant 13 ans
Bénévole dans l'humanitaire pendant 10 ans
et d'autres activités...
Dans la santé mentale, depuis 8 ans : blogueuse et pair-aidante
Fondation de l'association Psy'hope il ya 6 ans
Parcours de rétablissement à partir de 49 ans 
Diagnostiquée avec des TND en 2021 et 2023, en plus des TB
BUT : aider mes pairs à aller mieux avant l'age de 50 ans en s'engageant partout où c'est possible aux côtés des professionnels de santé! mais aussi, en complément du soin, grace à des groupes d'entraide d'usagers